lundi 23 mars 2015

Nicole, ou le bruit des nuits d'été


C'est l'été dans une banlieue canadienne. L'asphalte est brûlant, les ventilateurs tournent à plein régime, le linge sèche à une vitesse folle dans les jardins au carré de la zone pavillonnaire.
Nicole, cheveux courts, tennis en toile-short en jean et sac tissé à tête de chat en bandoulière, traîne son humour désabusé et son regard placide dans les rues à angle droit qu'elle dévale à bicyclette. Avec Véronique, sa meilleure amie, elle trompe l'ennui de cet été languissant autour de parties de mini-golf et de cornets glacés vanille-chocolat. Pendant ces interminables journées de juillet, beaucoup de choses ratent, les entraves s'accumulent et le désir finit par s'embrouiller. D'ailleurs, Nicole n'arrive toujours pas à dormir...
Dans la maison familiale désertée par les parents, Véronique et Nicole sont bientôt rejointes par le frère de cette dernière, escorté des deux musiciens qui composent leur groupe de rock, persévérant et triste, aux chansons sans paroles. La nuit venue, autour de la piscine, au milieu de bières, de cigarettes et de biscuits maison, leurs conversations évoquent confusément les humiliations passées et les aspirations à venir, comme par exemple ce voyage en Islande pour lequel Nicole a pris des billets pour deux. Depuis, elle a bombé en noir sa paire de Doc Martens fleurie et Véronique ne se sépare plus de son dictionnaire islandais. Tout l'enjeu de ce voyage est de faire rien, mais ailleurs, et je peux vous dire que cette idée de rien ailleurs m'était particulièrement familière dans les années 90. Mais alors que Nicole ne cache pas sa consternation quant à la liste de consignes pragmatiques et donc déprimantes laissées par ses parents à son égard, le seul mot islandais qui filtre des révisions linguistiques de Véronique sera ryksuga*... Déjà, les malentendus infimes laissent deviner des écarts plus intimes.
Mais il n'est pas encore l'heure du départ, l'insomnie de Nicole persiste et malgré le respect de l'arrosage préconisé, les tomates du jardin familial finissent par pourrir mollement au soleil.
Tu dors Nicole est l'histoire d'une impatience indolente sous canicule dont les enjeux dramatiques se nouent entre un garçon et une fille autour d'un granité à la cerise ou d'un sandwich à la tomate, et cela me fait toujours plus d'effet que n'importe quelle aventure interstellaire.

*en Islande, ryksuga désigne un aspirateur

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8 Comments:

Anonymous poppycorn said...

J'avais repéré ce film, et ton billet me donne -comme toujours- encore plus envie de le voir... malheureusement, il ne passe pas près de chez moi! Il va falloir attendre un peu...

23 mars 2015 à 11:48  
Blogger Unknown said...

C'est drôle, on est aussi allés le voir hier, à la séance improbable de 14h, sous un ciel gris plombé et à la place de la ballade escomptée, écartée pour raisons météorologiques, et après un déjeuner trop bon dans un endroit favori. Et c'était trop bien ! Touchant , juste et drôle malgré les désillusions. Et j'adore Martin !
(on retourne à Berlin en juin, grâce à un congrès pour lequel j'ai été acceptée, alors je relis vos billet berlinois et l'impatience grandit ! Je crois même que cette fois-ci, on ira dormir à l'hôtel Michel Berger...)
Laure

23 mars 2015 à 12:11  
Blogger Cécile said...

Héhé je ne suis pas la seule à apprécier tes billets berlinois... chouette aussi de lire tes coups de coeur cinéma... découvrir un nouveau billet est chaque fois un petit bonheur :-)

23 mars 2015 à 17:28  
Blogger sylvie said...

Patoumi, je te fais un petit coucou, mais je lirai ton billet après mercredi, quand j'aurai vu le film.

23 mars 2015 à 22:57  
Anonymous V said...

J'avais déjà envie de le voir mais, après lecture de tes mots, encore davantage. Bon voyage au Japon, je suis impatiente de lire tes impressions et souvenirs.

24 mars 2015 à 10:48  
Anonymous patoumi said...

Poppycorn : j'espère qu'il te plaira autant qu'à moi !

Laure : ici, c'était séance unique à 18h, encore plus improbable. Et ensuite, nous avons dîné dans un endroit où nous n'allons jamais mais c'était bien quand même. J'étais tellement enthousiaste grâce au film. J'ai dit à G. "Si je faisais des films, ils seraient comme ça" et il a dit "Oui, probablement" et ça m'a fait très plaisir, comme à une petite fille...
Bon Berlin alors !

Cécile : souvent je me dis "bon, j'arrête le blog" et puis bim !

Sylvie : alors ? (je me rappelle de notre grande soirée débat sur "La vie d'Adèle" hahaha)

V. : j'espère ne pas en avoir trop dit sur le film...

25 mars 2015 à 23:39  
Anonymous Eloustic said...

A Paris, après des mois d'attente, il a fallu batailler un peu pour le voir (une salle seulement - quasi déserte le soir de la séance - le diffusait encore une semaine après sa sortie).
J'ai beaucoup aimé aussi! L'ennui caniculaire avait quelque chose de lointainement familier et angoissant, alors les touches de fantaisie étaient d'autant plus agréables. Il m'a laissée dans une humeur proche de Garden State (mais d'après mes lointains souvenirs Tu dors Nicole est bien meilleur).

Hâte de lire tes impressions japonaises. Oh et Aphrodite's child c'est TOTALEMENT avouable voyons!

28 mars 2015 à 12:42  
Anonymous patoumi said...

Eloustic : il n'est resté qu'une semaine à Rennes :( et la séance quotidienne était à 18h...
Je n'ai pas vu Garden State, Nicole m'a fait penser à Frances Ha et Niko, le héros de Oh, Boy ! J'aime ces personnages à la loose assumée, voire revendiquée :)
Rien à faire, j'ai trop honte pour Aphrodite's child ^^

1 avril 2015 à 23:37  

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